
Sur le marché des appartements en copropriété de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Toronto, les ventes diminuent, les stocks sont en hausse, des projets sont annulés et de plus en plus d'investisseurs ont des difficultés financières en raison de la chute des prix. En conséquence, nombreux sont les gens qui se tournent vers le passé pour trouver des indices de l’orientation que pourrait prendre le marché. Le présent rapport compare les conditions actuelles du marché des appartements en copropriété avec celles de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Bien qu’il puisse y avoir des similitudes, l’histoire ne se répète pas toujours (figure 1).
Nous constatons plusieurs différences majeures. L’économie est plus stable et diversifiée, et les règles d’octroi de prêts plus strictes découragent la construction spéculative. De plus, les données démographiques montrent qu’il y a une pénurie sous-jacente de logements.
À première vue, le contexte actuel rappelle la fin des années 1980 et le début des années 1990
Après la pandémie de COVID-19, l’économie de Toronto a fortement rebondi. Cette reprise était fondée sur la croissance des secteurs des finances, des technologies et des soins de santé. De même, la reprise économique a été soutenue durant la deuxième moitié des années 1980, après la récession du début de cette décennie. Au cours des deux périodes, l’expansion économique et un marché du travail effervescent ont contribué à une croissance démographique rapide, soutenue par l’immigration dans la RMR de Toronto1.
L’économie a tourné à plein régime pendant les deux périodes, et la forte croissance démographique a stimulé la demande. Par conséquent, les pressions inflationnistes ont commencé à s’intensifier, de façon générale, mais surtout dans le secteur du logement. Dans la RMR de Toronto, les prix réels des habitations ont augmenté en moyenne de 13 % par année en 2020 et en 2021. En 1989, ils avaient doublé en seulement 4 ans. La croissance rapide des prix a stimulé l’enthousiasme des investisseurs pour le marché des copropriétés, surtout à la fin des années 1980. Pour contenir l’inflation, la Banque du Canada a commencé à relever les taux d’intérêt.
Au cours des deux périodes, les cycles de hausse des taux ont affaibli le marché. Par conséquent, les gens ayant investi dans les copropriétés neuves ont eu de la difficulté à les vendre à des prix atteignant le seuil de rentabilité. En même temps, les ventes de copropriétés existantes ont fortement diminué, leur valeur a chuté et le nombre de logements invendus a augmenté.
Bien que ces données révèlent un parallèle avec les années 1990, cette période n’est pas nécessairement garante de l’avenir en raison de plusieurs différences clés.
Le ralentissement du marché des copropriétés dans les années 1990 s’est produit pendant une grave récession
Le dernier épisode d’inflation (2021 - 2022) a entraîné un cycle énergique de hausses des taux d’intérêt. Bien que cette situation ait ralenti l’économie de Toronto, elle ne l’a pas fait entrer en récession. Plus récemment, les tensions commerciales ont accru l’incertitude économique et mis en évidence des faiblesses. Toutefois, l’emploi global est demeuré stable et les revenus croissants soutiennent la consommation et le service de la dette. Nos prévisions indiquent une modeste récession, avec des répercussions tout aussi modestes sur le marché de l’habitation.
Par contre, la grave récession du début des années 1990, déclenchée par les hausses des taux d’intérêt de la Banque du Canada, a duré 2 ans (figure 2). Ce ralentissement a touché les secteurs sensibles aux taux d’intérêt et limité les dépenses budgétaires2. Il a aussi entraîné la plus forte baisse de l’emploi depuis la Grande Dépression. Même à la fin de la récession, la croissance de l’emploi dans le secteur privé est demeurée lente à Toronto. À cela s’ajoutèrent des perturbations technologiques et les changements sectoriels attribuables à la politique de libre-échange.
Les leçons du passé ont renforcé les pratiques d’octroi de prêts
Le marché des copropriétés d’aujourd’hui profite d’un contexte économique plus stable. Il est soutenu par des normes d’octroi de prêts rigoureuses, façonnées par les leçons du passé. On peut penser aux années 1990 et à la crise des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis, en 2008.
Aujourd’hui, pour satisfaire aux exigences en matière de mise de fonds pour les prêts à la construction, un promoteur de logements en copropriété doit vendre sur plan au moins 70 % de ses logements avant de toucher une avance. Il s’agit d’une augmentation importante par rapport aux années 1980. À cette époque, seuls 50 % des logements devaient être vendus sur plan, selon les renseignements sur le marché. Notre analyse (PDF) a montré que, lorsque la construction d’immeubles commence, les promoteurs ont généralement vendu 80 % de leurs logements. Nos observations au dernier trimestre concordent avec ce ratio – plus de 90 % des logements des ensembles achevés étaient écoulés (tableau 1).
Les acheteurs d’aujourd’hui sont aussi confrontés à des critères d’octroi de prêts plus stricts. La souscription de prêts hypothécaires a évolué pour s’assurer que les emprunteurs ont ce qui suit :
- capacité financière accrue d’assurer le remboursement de la dette;
- capacité d’absorber les fluctuations des taux d’intérêt (test de résistance).
Ce changement se reflète dans le faible taux de prêts hypothécaires en souffrance d’aujourd’hui (0,23 % au premier trimestre de 20253), qui demeure nettement inférieur aux niveaux observés pendant le ralentissement des années 1990. À cette époque, le taux de prêts en souffrance avait augmenté plus rapidement et était environ trois fois plus élevé qu’aujourd’hui (il avait culminé à 0,68 % au premier trimestre de 19924).
Stade | % vendus* | Logements invendus |
---|---|---|
Avant la construction | 45 | 9 363 |
Logements en construction | 80 | 10 450 |
Logements occupés | 92 | 835 |
Logements inscrits | 93 | 1 403 |
* Pour les ensembles résidentiels en construction dont les unités n’ont pas toutes été vendues (ne comprend pas les annulations).
Source : Urbanation
Le contexte du logement d’aujourd’hui est caractérisé par une offre limitée
Le marché des copropriétés diffère considérablement de celui des années 1990. Bien que l’offre de logements neufs ait fortement augmenté sur une période relativement courte, une grande partie des logements sont déjà vendus (tableau 1). En revanche, dans les années 1990, les copropriétés étaient relativement nouvelles dans le paysage urbain de Toronto. La construction spéculative était plus courante et avait contribué à la construction excessive pendant cette période.
Selon notre évaluation, le niveau de construction dans le marché de Toronto n’est pas similaire à la construction excessive des années 1990. Au contraire, il existe actuellement une pénurie structurelle de logements. Cette situation devrait aider à éliminer toute accumulation de logements à mesure que le marché se redressera.
La récente hausse des prix des copropriétés est en grande partie attribuable à l’offre limitée. La vigueur de l’immigration et les taux d’intérêt négatifs corrigés de l’inflation font également partie de l’équation (figure 3). Le ralentissement actuel reflète l’incidence de la hausse des taux hypothécaires et des attentes ajustées à l’égard des niveaux d’immigration futurs.
La forte demande demeure évidente sur le marché locatif. Un nombre record de baux d’appartements en copropriété ont été signés au premier semestre de 20255. À mesure que le marché des copropriétés ralentit, les renseignements sur le marché indiquent que certains promoteurs de copropriétés changent de stratégie. Ils convertissent de plus en plus d’ensembles résidentiels et de logements invendus en logements locatifs.
De plus, la concurrence liée à l’offre de maisons individuelles ou de maisons en rangée neuves demeure limitée. Ce n’était pas le cas dans les années 1990, où ce segment a aussi connu une offre excédentaire. L’amélioration de la santé des personnes âgées fait qu’un plus grand nombre de personnes choisissent de vieillir chez elles (PDF). Cette tendance limite davantage l’offre du segment existant du marché de l’habitation. Par contre, au début des années 1990, une population plus jeune et plus mobile avait fait augmenter les inscriptions.
Après une période d’ajustement, la croissance reviendra
Le marché des copropriétés à Toronto connaît bien les hauts et les bas. Les hausses rapides des prix sont suivies de baisses, surtout lorsque les taux d’intérêt fluctuent. Ce marché peut évoluer rapidement et est sensible à la fois à la conjoncture financière et au sentiment des acheteurs.
Nous prévoyons un marché plus équilibré. Récemment, les mises en chantier d’appartements dans la RMR de Toronto ont fortement diminué. Cette baisse devrait entraîner une diminution du nombre de logements achevés après 2026. Avec la demande refoulée actuelle et la croissance économique prévue au cours des prochaines années, cette situation pourrait amplifier les préoccupations au sujet de l’offre insuffisante.
Notes de bas de page

Inscrivez-vous pour recevoir des mises à jour régulières sur le secteur canadien de l’habitation.