La Brock Mission de Peterborough, en Ontario, dirigeait son refuge pour hommes itinérants dans un vieil immeuble coûteux et non sécuritaire. Après l’échec d’un premier projet de réaménagement, la Mission a obtenu le soutien du Fonds national de co-investissement pour le logement. L’organisme a également reçu une aide financière et des ressources humaines de la Ville de Peterborough. Ces mesures de soutien ont servi à remplacer l’immeuble par un complexe combinant des places en refuge, des logements de transition et un espace où l’on offre des services.
3 Objectifs clés
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Surmonter l’opposition locale est un défi que doivent relever de nombreux fournisseurs de logements. Lorsqu’un organisme s’emploie pendant des années à établir un climat de confiance et à montrer à la collectivité ce qu’il peut lui apporter, l’opposition à un nouveau projet peut ne jamais se manifester.
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Se montrer économe lorsqu’il est question de nouveaux projets est une erreur. Bien faire les choses dès le début est un investissement qui rapporte.
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Pour réussir, il est essentiel de définir clairement le budget et les échéances des professionnels qui participent au projet et d’obtenir leur engagement à les respecter.
Étendue du projet et résultats attendus
Depuis 30 ans, la Brock Mission offre un refuge d’urgence aux hommes et aux femmes en situation d’itinérance, y compris des cas souvent plus complexes en raison de problèmes de toxicomanie, de maladie mentale et de traumatisme. Certains ont besoin d’un endroit sûr où rester jusqu’à ce qu’ils se remettent sur pied. D’autres sont en situation d’itinérance chronique et ont besoin de soutien plus avancé avant de pouvoir recommencer à zéro.
Mais il a fallu un certain temps pour que « la Brock » reconnaisse qu’elle aussi devait repartir à zéro. Ce petit organisme n’avait pas la stabilité financière nécessaire pour effectuer le changement. Un nouveau refuge situé sur la rue Murray, à Peterborough, témoigne de sa transformation, mais la route a été longue.
Peterborough tient compte de l’itinérance
Dorothy Olver, directrice du programme de lutte contre l’itinérance de la Ville de Peterborough, y décrit la situation de l’itinérance comme étant complexe : « Nos refuges ont commencé à constater une augmentation du nombre de clients en 2016, et ces chiffres n’ont jamais vraiment baissé. Compte tenu de la disparité des niveaux de revenu des personnes en situation d’itinérance, des loyers dans notre collectivité et du taux d’inoccupation d’environ 2 %, il est extrêmement difficile pour les gens de trouver des logements sûrs et abordables. »
Bill McNabb, directeur général de la Brock Mission, est du même avis : « Les prix des logements ont augmenté à Peterborough au cours des dernières années, notamment en raison de l’influence de la région du Grand Toronto à proximité. Même le logement abordable n’est pas si abordable. Il ajoute que, parce que la Brock Mission exploite aussi Cameron House, un refuge pour femmes, les hommes passent parfois inaperçus. La plupart des études montrent qu’au moins les deux tiers des itinérants sont des hommes, mais il existe peu de soutien offert expressément pour lutter contre l’itinérance chez les hommes adultes. »
« La Ville a pour objectif de mettre fin à l’itinérance chronique d’ici la fin de 2025, explique Mme Olver, en soulignant que, pour les personnes en situation d’itinérance chronique et dont les besoins sont élevés, un logement permanent avec des services de soutien représente la meilleure solution. »
Laisser une mission en suspens
La Brock Mission a tenté pour la première fois d’agrandir son espace en 2010, et a fait face à de graves difficultés financières. Elle a acquis un ancien immeuble de 18 000 pieds carrés sur la rue Murray. À l’origine, l’immeuble était une église. Il avait ensuite été utilisé par la filiale locale de la Légion royale canadienne. Au cours des décennies, de nombreux ajouts ont été apportés à la salle paroissiale originale.
L’immeuble a rapidement présenté des problèmes : « Nous savions que des rénovations s’imposaient, mais nous ignorions quelle était l’ampleur des travaux à effectuer, affirme M. McNabb. L’immeuble n’a pas été construit pour servir de refuge, et une grande partie ne respectait pas les exigences du code du bâtiment. Une fois au cœur du bâtiment, qui date des années 1800, vous ne savez pas ce que vous allez y trouver. » Le chauffage coûtait cher et les coûts pour rendre l’immeuble sécuritaire s’accumulaient.
En 2014, avec le soutien de la Ville, la Brock Mission a commandé une étude de faisabilité qui a déterminé que l’immeuble nécessiterait un entretien à long terme dont le coût serait supérieur à celui d’une reconstruction complète. La Brock Mission a relocalisé ses services pour hommes itinérants dans un site temporaire situé à proximité, une autre ancienne église, et a démoli l’immeuble de la rue Murray en 2017.
Toutefois, les difficultés financières de la Brock Mission n’étaient pas pour autant résolues, car les coûts de la première série de plans pour la construction d’un nouvel immeuble ont monté en flèche – ils ont presque doublé en raison de la hausse des prix au début des années 2010. La construction a été retardée, et la Ville a suspendu le projet.
« Essuyer un refus de la Ville a été le pire moment de ce processus, affirme M. McNabb. Après un an et demi de travail intense, nous pensions que notre projet allait se réaliser. Mais ce refus a été en fin de compte une bonne chose. » La Brock Mission a travaillé avec son architecte pour repenser le nouvel espace. Le résultat : une conception qui supprime la moitié du sous-sol et sépare la cuisine et la salle à manger du reste de l’immeuble. Les coûts de construction ont ainsi été réduits de près de la moitié, mais dépassaient toujours le budget de plusieurs millions de dollars.
Soutien du gouvernement fédéral et de l’administration municipale
En 2018, le gouvernement du Canada a lancé le Fonds national de co-investissement pour le logement dans le cadre de sa Stratégie nationale sur le logement.
Reconnaissant qu’un petit organisme comme la Brock Mission ne disposait pas des ressources ni de l’expertise nécessaires pour présenter une demande de subvention importante, la Ville a détaché du personnel pour l’aider. « Sans ce soutien, nous aurions simplement été incapables de franchir toutes les étapes du processus, assure M. McNabb. Et si nous n’avions pas obtenu le financement, cela aurait pu avoir des conséquences aussi graves que la fermeture de nos portes. »
La SCHL a approuvé la demande de financement au Fonds national de co-investissement pour le logement en 2018. La Brock Mission a bénéficié d’un prêt-subvention de 2 millions de dollars et d’un prêt à faible coût de 3,02 millions de dollars. Le financement du Fonds a couvert environ la moitié des coûts du projet.
La Ville apporte également un soutien direct au projet en versant une contribution de 1,25 million de dollars, ainsi que des contributions en nature, comme l’exonération des droits d’aménagement et des droits de permis de construire. L’annulation des droits et des coûts de gestion de projet de la Ville a permis de réaliser des économies d’environ 725 000 $.
Participation de la collectivité
La Brock Mission devait tout de même assumer d’autres coûts, elle a donc entrepris de recueillir 2 millions de dollars au moyen d’une campagne de financement. Toutefois, une collecte de fonds spontanée était déjà en cours. « Il est étonnant de voir le nombre de personnes et d’organismes, y compris le gouvernement, qui se sont mobilisés tous en même temps pour nous permettre d’y arriver de façon concrète », indique M. McNabb. Il mentionne un legs d’un million de dollars reçu d’un donateur privé et un chèque non sollicité de plusieurs milliers de dollars d’une église locale. « Les propriétaires d’une entreprise locale nous ont appelés pour savoir s’ils pouvaient participer d’une quelconque manière. Ils n’avaient pas beaucoup d’argent, mais nous leur avons dit qu’il nous fallait des bacs pour que les clients puissent ranger leurs effets personnels au refuge. Et c’est exactement ce que l’entreprise a fourni. »
Au début de 2021, la campagne de financement avait permis d’amasser 75 % de son objectif.
Le soutien évident de la collectivité n’a pas été constaté que dans les chiffres. « Nous avons avisé tous les membres de la collectivité se trouvant à l’intérieur d’un rayon de 100 mètres tel qu’exigé, et l’attitude positive nous a surpris. Les gens étaient très heureux que nous agissions de la sorte. Lorsque le moment est venu de solliciter la participation des gens et de leur poser des questions au sujet du projet, nous n’avons rencontré aucune opposition. J’espère que cela reflète la façon dont nous avons essayé de fonctionner au fil des ans. »
L’immeuble et ses services
La construction a commencé en juin 2019 et le nouvel immeuble devrait ouvrir ses portes au milieu de l’été 2021. L’attrayant et moderne immeuble de trois étages est au cœur de Peterborough, niché entre un secteur résidentiel et commercial et le vaste parc Victoria. Il comportera 30 lits d’hébergement, mais aussi 15 chambres individuelles pour aider les hommes en situation d’itinérance chronique et ceux qui ont les plus grands besoins à trouver des solutions plus permanentes. Chacun de ces logements comprend une chambre et un petit salon combinés, une cuisinette et une salle de bains. Comme la Brock Mission est propriétaire de l’immeuble, elle agira également à titre de propriétaire-bailleur, exigeant un loyer nominal proportionnel à l’aide fournie au résident.
« Les programmes de logement de Fourcast sont intimement liés à la Brock Mission, et le nouvel établissement offrira plus d’espace et la possibilité de communiquer avec les personnes en situation d’itinérance. La Brock Mission accueillera le personnel de notre programme dans ce nouvel espace, ce qui nous donnera plus d’occasions de mobiliser les résidents pour qu’ils réussissent la transition de l’itinérance vers le logement. De plus, nous sommes heureux de collaborer avec la Brock Mission et la Ville de Peterborough à l’administration du programme de logement de transition, ce qui représente un formidable ajout à notre parc de logements locaux. »
Les logements se trouvent aux étages supérieurs et le rez-de-chaussée comporte des aires communes. Il s’agit notamment d’une salle à manger où des centaines de repas seront servis chaque jour. Des lieux de rencontre individuelle permettront également aux résidents et aux visiteurs de s’entretenir avec les conseillers et les fournisseurs de services. Mme Olver décrit cela comme l’élément le plus distinctif de la Brock Mission : « Ce type de soutien et de programme peut changer la vie des personnes qui sont en situation d’itinérance depuis longtemps et leur procurer de la dignité et un sentiment de “foyer”. »
Par exemple, l’un de ces fournisseurs de services est la Four Counties Addiction Services Team (Fourcast) qui fait un énorme travail en soins cliniques auprès de la même population que celle desservie par la Brock Mission. « En étant sur place, il est plus facile d’assurer une “transition chaleureuse”. S’il est déjà ici, le client se sent plus à l’aise avec un fournisseur de services », précise M. McNabb. La confiance est importante.
Dans l’ensemble, l’immeuble est conçu pour maximiser la lumière naturelle qui est, selon M. McNabb, essentielle pour combattre la dépression qui affecte souvent les personnes itinérantes. L’architecte, Lett Architects Inc., a également veillé à ce que l’immeuble atteigne les cibles d’efficacité énergétique du Fonds national de co-investissement pour le logement. La construction de bâtiments écoénergétiques aidera également à réduire les coûts énergétiques de la Mission. Qui plus est, l’immeuble est expressément destiné aux logements de transition : une construction robuste ainsi que des appareils et des revêtements de finition durables réduiront également les coûts d’entretien.
Leçons tirées du long processus de construction
Après la réouverture, la Ville continuera de soutenir la Brock Mission : elle injectera environ 1 million de dollars par année dans les programmes de la Brock Mission et de la Cameron House pour les femmes. La Ville a également obtenu un engagement d’environ 200 000 $ par année dans le cadre du programme Logements pour de bon du gouvernement de l’Ontario. Ce programme financera les diverses mesures de soutien qui seront fournies dans le nouvel immeuble. L’ensemble de la Brock Mission sera l’un des premiers sites permanents de la Ville réalisés dans le cadre du programme Logement d’abord.
La route menant à la réouverture de la Brock Mission a été longue, mais M. McNabb dit qu’il a tiré de précieuses leçons tout au long de celle-ci. Les services de logement tendent à se montrer économes lorsqu’il est question de nouveaux projets. C’est une erreur, dit-il. « N’optez pas pour la solution la moins chère, faites bien les choses dès le début. La réalisation de l’étude de faisabilité a coûté très cher, mais elle a permis d’ancrer ce que nous comptions faire, et cet investissement que nous avons effectué il y a dix ans porte encore ses fruits. » Il mentionne également que, même si les partenariats sont essentiels, ils doivent correspondre à l’essence même de l’organisme. « Au début du processus, on nous a suggéré un partenariat qui supposait l’adoption d’une philosophie complètement différente quant à notre manière de travailler. »
Erica Arkell, l’analyste financière de la Ville qui a travaillé sur le projet dès le début, insiste pour que les organismes de logement « comprennent leur budget et leur échéancier dès le début du processus et veillent à ce que le budget du projet d’ensemble prévoie une réserve pour les éventualités qui est réaliste. Un budget et des échéanciers clairs pousseront tous les partenaires à franchir avec succès la ligne d’arrivée, alors embauchez des professionnels (gestionnaire de projet, architecte, entrepreneur général) qui sont déterminés à les respecter ».
Nom de l’initiative : The Brock Mission
Emplacement : Peterborough (Ontario)
Initiative de la Stratégie nationale sur le logement : Fonds national de co-investissement pour le logement
Montant total du financement fédéral :
- Fonds national de co-investissement pour le logement : prêt-subvention de 2 millions de dollars et prêt à faible coût de 3,02 millions de dollars
Collaborateurs/partenaires du projet :