24 octobre 2025
EN BREF
- Depuis plus de 200 ans, la communauté néo-écossaise d’Upper Hammonds Plains est aux prises avec des titres fonciers précaires.
- Sans titres fonciers clairs, certains résidents n’avaient pas accès au financement gouvernemental pour les réparations résidentielles.
- Le zonage de la collectivité a aussi créé un environnement propice à l’aménagement.
- Curtis Whiley, natif d’Upper Hammonds Plains, a créé une fiducie foncière pour protéger la collectivité.
- Grâce au soutien du Programme de développement de coopératives d’habitation, la fiducie aménage le premier ensemble de logements communautaires.
« C’est une histoire incroyable. »
Curtis Whiley a vécu quelques années bien chargées. Il a administré des ententes de coopératives d’habitation et mis en œuvre des programmes de rénovation résidentielle au ministère de la Croissance et de l’Aménagement de la Nouvelle-Écosse. Il a aussi créé la première fiducie foncière communautaire dirigée par des personnes noires de la province. Finalement, il a dirigé une coopérative d’habitation.
« C’était l’aboutissement de plusieurs choses pour moi », affirme Curtis.
Après ses études universitaires, il a obtenu un emploi au sein du gouvernement provincial. Dans le cadre de celui-ci, il aidait des demandeurs à présenter des demandes de financement pour des réparations résidentielles. Toutefois, il se heurtait à un problème récurrent : de nombreux demandeurs ne pouvaient pas fournir de preuve de titre (en anglais).
« La propriété était au nom d’un parent décédé ou il existait un autre titre précaire. Ces situations empêchaient ces personnes de profiter des programmes gouvernementaux », explique-t-il.
Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a créé la Land Titles Initiative (en anglais seulement) dans le but de clarifier les titres fonciers pour les Néo-Écossais d’origine africaine sur la base de l’usage et l’occupation des terres. Curtis s’est joint à l’équipe pour soutenir ce travail important.
Une promesse vide
Upper Hammonds Plains est une collectivité de 85 propriétés située à 25 km au nord-ouest de Halifax. Depuis plus de 200 ans, la communauté est aux prises avec le problème des titres fonciers précaires.
« Mes ancêtres ont combattu pendant la guerre [de 1812], affirme Curtis. Mon arrière-arrière-arrière-grand-père est venu ici en tant qu’homme libre. Il y avait un mélange de personnes noires libres et de réfugiés. On leur avait promis des terres en échange de leur participation à la guerre. »
À leur arrivée, on leur remettait des billets d’établissement ou des permis d’occupation, mais pas de titres fonciers. À l’expiration de ces billets et permis, leur propriété ne leur appartenait pas.
« C’était fait délibérément, affirme Curtis. La propriété était… est un facteur de pouvoir et un levier financier. »
Malgré ces défis, la communauté a persévéré et s’est épanouie. Toutefois, la question des titres fonciers est devenue de plus en plus complexe au fil du temps.
Immersion dans le Nord
Pendant la pandémie de COVID-19, alors que plusieurs se sont terrés chez eux, Curtis a adopté une approche différente.
« J’ai décidé de partir à l’aventure. J’ai déménagé au Nunavut, où j’ai travaillé pour la Société d’habitation du Nunavut », explique-t-il.
Curtis a appris à comprendre la relation unique du Nunavut avec le Nuna (territoire). La « propriété » est secondaire à l’« intendance », et le soin de la terre est une responsabilité partagée. Les résidents et les investisseurs peuvent louer des terrains à des administrations locales, mais ils ne peuvent pas les acheter.
Les fiducies foncières communautaires
- réunissent des partenaires pour créer des solutions d'abordabilité à long terme pour une collectivité;
- retirent les propriétés du marché spéculatif pour assurer une abordabilité permanente;
- soutiennent diverses utilisations, notamment le logement abordable, les jardins communautaires, les espaces commerciaux et les commodités culturelles.
Source: Réseau canadien des fiducies foncières communautaires
Cette approche a servi d’inspiration à Curtis et l’a amené à se tourner vers les fiducies foncières communautaires.
Un mécanisme de gestion de la croissance
Entre-temps, là d’où il était parti, les problèmes empiraient.
La région de Halifax connaissait une croissance démographique rapide et les projets d’aménagement avaient atteint Upper Hammonds Plains.
En moins d’un an, des autorisations pour des milliers de logements avaient été émises dans la communauté de 85 propriétés.
ce mécanisme qui nous a tous attirés est en fait ancré dans le mouvement des droits civiques… qui nous a vraiment fait progresser.
En 2022, Curtis a créé la fiducie foncière communautaire Upper Hammonds Plains Community Land Trust (en anglais seulement).
À son retour en Nouvelle-Écosse, il a créé un conseil d’administration avec trois autres membres.
« Nous en sommes venus à la conclusion qu’il [le modèle de fiducie foncière communautaire] était un mécanisme que nous pouvions utiliser. Il créait une voix collective dans la lutte contre le déplacement et l’aménagement qui se produisait à Upper Hammonds Plains. »
Aucun aménagement sans l’approbation de la collectivité
Le zonage de la collectivité explique en grande partie le rythme rapide d’octroi de permis.
« Les gens avaient des fermes, des petits commerces. Le zonage concordait avec ce genre de style rural. Il était possible de construire un immeuble d’appartements. Mais ce n’est pas quelque chose que les personnes noires faisaient », explique Curtis.
Pour y remédier, la fiducie foncière est intervenue, en collaboration avec la Upper Hammonds Plains Community Development Association. Elle a dirigé les efforts de changement de zonage de la collectivité.
« On peut encore construire ce qu’on pouvait construire auparavant, affirme Curtis. Mais vous devez suivre un processus d’entente d’aménagement qui nécessite la participation de la collectivité. »
« Qu’est-ce qu’une fiducie foncière? »
L’équipe a tenu des séances d’information pour explorer le concept de fiducie foncière avec la collectivité. L’équipe et les résidents ont connu une période de croissance et d’apprentissage rapides.
« Je ne savais pas que ce processus était enraciné dans l’histoire des Noirs, affirme Curtis. Ce mécanisme qui nous a tous attirés est en fait ancré dans le mouvement des droits civiques… qui nous a vraiment fait progresser. »
Une présentation au Sommet du Réseau canadien des fiducies foncières communautaires a permis d’entrer en contact avec la SCHL. Il s’en est suivi une demande de financement du laboratoire de solutions.
Près de 100 personnes se sont réunies lors de plusieurs séances pour discuter de sujets comme l’adhésion et la gouvernance.
« C’est vraiment ce qui nous a permis d’aller plus loin, en réunissant notre collectivité autour de sujets essentiels. »
Le processus a aidé la fiducie foncière à établir la confiance et la crédibilité auprès de la communauté et des partenaires.
« Dans l’esprit des gens, nous avions le partenaire le plus important qui croyait en nous, affirme Curtis. Notre image de marque et tout le reste sont passés à un tout autre niveau… Cela nous a aussi fait croire que nous pouvions y arriver et que nous étions sur la bonne voie. »
D’opposants à partenaires
Malgré les progrès de l’équipe, l’aménagement dans la collectivité s’est poursuivi au même rythme.
En 2024, seulement 38 % des propriétés d’Upper Hammonds Plains appartenaient à des familles ayant des liens ancestraux avec la communauté.
La même année, la SCHL lançait le Programme de développement de coopératives d’habitation. Les fiducies foncières communautaires y étaient admissibles.
Curtis était ravi de l’occasion. Mais il y avait un problème. Il fallait construire 75 logements. Curtis envisageait plutôt un duplex.
« Nous avons ensuite commencé à parler à ce fournisseur dans notre communauté », se souvient-il.
C’était une personne contre laquelle Curtis se battait. « … il autorisait la construction de beaucoup de logements dans notre collectivité. J’essayais vraiment de l’en empêcher. »
Nous avions l’habitude d’aller aux réunions et de nous battre contre quelque chose. Maintenant, nous parlons de l’avenir.
Toutefois, le fournisseur voulait participer à la conversation, et il avait un site autorisé.
Curtis a suggéré l’idée d’une coopérative. Le fournisseur a accepté et offert non seulement le terrain, mais aussi de l’aide pour la demande de financement.
La relation de Curtis avec le promoteur a commencé de la même façon.
« Je leur disais tout le temps qu’ils devaient revenir à la réalité, n’est-ce pas… revenir sur terre. »
Comme Curtis préparait cette demande, le promoteur construisait 400 logements qui correspondaient à ceux autorisés sur le site de la coopérative.
« Cette approche permettait de réaliser des gains d’efficacité », affirme Curtis.
Il a communiqué avec le promoteur, qui a accepté et l’a soutenu dans sa demande.
De « Je ne peux pas travailler avec vous » est né un partenariat pour un projet novateur. « L’histoire entre ces deux personnes est devenue beaucoup plus importante. »
État d’esprit axé sur les possibilités
Trois ans après la création d’Upper Hammonds Plains Community Land Trust, une coopérative d’habitation de 136 logements est en cours d’aménagement.
« Cet ensemble résidentiel nous permet d’éliminer le profit de l’équation. Nous pouvons offrir des logements à des prix plus accessibles que les ensembles résidentiels axés sur le marché, affirme Curtis. C’est la première étape vers notre vision d’offrir un éventail de types de logements et de programmes au moyen d’un modèle sans but lucratif. »
L’équipe se prépare aussi à lancer les adhésions.
« … l’état d’esprit est complètement changé, explique Curtis. Nous avions l’habitude d’aller aux réunions et de nous battre contre quelque chose. Maintenant, nous parlons de l’avenir. »
Que signifie ce parcours?
« Je ne sais même pas comment répondre à cette question, explique Curtis. Je peux juste… Je peux le voir. Je peux voir la libération, vous comprenez? Non seulement dans ma communauté, mais dans toutes nos collectivités… Nous tirons parti d’une voix collective et, aujourd’hui, c’est très important. »
Honorer le passé
Récemment, Curtis a communiqué avec la communauté pour recueillir des suggestions de noms de rue. Il a reçu plus de 50 noms potentiels.
« Certains représentent des noms de famille historiques. D’autres reconnaissent des personnes aimées qui ont contribué à façonner Upper Hammonds Plains. »
Nommer des rues est un acte de narration. C’est une façon de récupérer l’espace et d’intégrer notre héritage dans le territoire.
Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense que son arrière-arrière-arrière-grand-père dirait du travail accompli, il répond : « Vous avez fait plus que rêver. Vous vous êtes levés. Vous avez agi. Vous avez construit. »
FAITS SAILLANTS
- Upper Hammonds Plains Community Land Trust a reçu du financement du Programme de développement de coopératives d’habitation de la SCHL. Ce programme offre des prêts-subventions et des prêts remboursables à faible taux d’intérêt pour construire des coopératives de logements locatifs. Ce programme a été conçu conjointement avec la Fédération de l’habitation coopérative du Canada et le secteur des coopératives d’habitation.
- Upper Hammonds Plains Community Land Trust reçoit un soutien continu dans le cadre de partenariats clés avec le Réseau canadien des fiducies foncières communautaires et la Fédération de l’habitation coopérative du Canada.
- Upper Hammonds Plains Community Land Trust a aussi reçu du financement grâce au laboratoire de solutions de la SCHL. Le laboratoire a aidé l’équipe à explorer des voies vers l’acquisition de terrains, la gouvernance et l’adhésion.
VOIR AUSSI
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- Apprenez-en plus sur les fiducies foncières communautaires au Centre du savoir sur le logement de la SCHL.
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