Notes d’allocution pour Evan Siddall, Président et premier dirigeant, Société canadienne d’hypothèques et de logement
Australian Housing and Urban Research Institute (AHURI) National Housing Conference 2017
International Convention Centre
Sydney, Australie
Note : Cette présentation a été diffusée par vidéo.
Tant au Canada qu’en Australie, nos prédécesseurs autochtones vénéraient la terre, la nature et l’espace, qui pour nous vont de soi. Nos deux pays sont reconnus pour leurs grands espaces.
Beaucoup voient le vôtre comme une terre brûlée par le soleil. Le nôtre est connu pour les forêts du Bouclier canadien, les sommets enneigés des Rocheuses et la toundra du Grand Nord.
La faune est le reflet de la terre. Le Canada compte des populations de loups et de grizzlis, des hardes de caribous et des ours blancs solitaires qui s’aventurent sur la glace à la recherche de phoques. En ce qui concerne l’Australie, Bill Bryson écrivait ceci à propos des araignées :
« D’ailleurs, personne ne sait pourquoi les araignées de l’Australie sont si extraordinairement toxiques; capturer de petits insectes et leur injecter une quantité de poison suffisante pour abattre un cheval donne tout son sens à l’expression “tuer une mouche avec un bazooka”. Par contre, cela explique pourquoi tout le monde leur laisse beaucoup d’espace1. »
Beaucoup d’espace. Au Canada, il y a un peu moins de quatre personnes par kilomètre carré; vous en comptez un peu plus de trois. En revanche, l’Inde en compte plus de 445. En Chine, il y a près de 150 personnes par kilomètre carré. Parmi les pays ayant une population de plus de 10 millions de personnes, nous sommes les deux pays les moins densément peuplés.
L’espace peut procurer une sécurité en nous permettant de mettre une distance entre nous et les autres et de construire des abris pour nous protéger des éléments, sans mentionner les araignées et autres menaces. Toutefois, les espaces clos peuvent également créer de l’isolement, par exemple pour les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes ayant une maladie mentale, qui figurent parmi nos citoyens les plus vulnérables. Au centre de ce grand espace ouvert, nous avons déterminé que les politiques de logement – les espaces clos – peuvent contribuer au développement d’une société meilleure, plus forte et plus inclusive.
On m’a demandé de vous parler de l’élaboration de la toute première Stratégie nationale sur le logement du Canada, que notre gouvernement vient d'annoncer la semaine dernière. Notre Stratégie, qui est axée sur les gens et les lieux, a pour but de faire en sorte que 530 000 ménages ne soient plus dans le besoin en matière de logement. Notre objectif est d’offrir la sécurité d’un logement à nos citoyens les plus vulnérables et de promouvoir une plus grande inclusion de ces personnes dans la société canadienne.
Outre notre conscience partagée de la valeur de l’espace et de la menace que celui-ci peut poser, nous avons beaucoup plus en commun que notre héritage de colonies anglaises. J’aimerais plus particulièrement présenter une brève comparaison entre nos systèmes de logement.
Un monde de différence, des défis similaires
D’une part, nous avons beaucoup de points communs, qui ne sont pas tous positifs. Commençons par la bonne nouvelle. Nos deux pays ont une bonne proportion de ménages qui sont propriétaires de leur logement. Pour un grand nombre de Canadiens – et je suis sûr qu’il en va de même pour les Australiens – leur habitation représente l’investissement le plus important de leur vie, leur patrimoine et leur sécurité économique. La sécurité du logement a également des retombées sociales très puissantes, mais j'y reviendrai plus tard2.
Toutefois, pour certains, le rêve d’accéder à la propriété s’estompe. L’abordabilité des logements est devenue un problème sérieux dans nos grandes villes, un facteur qui pourrait expliquer la baisse des taux de propriété. Ce phénomène, qui n’est pas exclusif au Canada et à l’Australie, existe aussi dans d’autres pays industrialisés.
Selon la plus récente enquête de Demographia International sur l’abordabilité du logement, Sydney se classe au deuxième rang des villes les moins abordables dans le monde : seule Hong Kong la dépasse3. Vancouver figure au troisième rang de cette liste inquiétante. Melbourne se classe également parmi les dix villes les moins abordables et Toronto occupe le 13e rang.
Selon un autre rapport récent – celui-là de la Banque des règlements internationaux –, le Canada a connu la hausse la plus rapide des prix des logements parmi les pays du G204. L’Australie figure au troisième rang sur cette liste.
La combinaison des prix élevés des logements et des taux d’intérêt historiquement faibles a contribué à un autre problème qui menace la stabilité financière de nos pays : le niveau élevé d’endettement des ménages.
Même si, au Canada, les taux des prêts hypothécaires à l’habitation en souffrance demeurent faibles et les pointages de solvabilité sont élevés, le niveau élevé d’endettement des ménages, qui se situe à 175 % du revenu disponible, demeure un facteur de vulnérabilité. Le niveau d’endettement des ménages est encore plus élevé en Australie.
Dans son Financial Stability Review d’octobre 2017, la Reserve Bank of Australia indiquait que « le bilan des ménages et le marché de l'habitation demeurent un sujet central de préoccupation »5. Il en va de même au Canada.
Nos deux pays bénéficient d’une réglementation microprudentielle et macroprudentielle proactive. Et en grande partie, l’activité hypothécaire peut être régulée par l’activité concentrée des grandes banques : les quatre plus grandes banques d’Australie détiennent actuellement 83 % des prêts hypothécaires, tandis que les quatre plus grandes banques du Canada détiennent 63 % de ce marché.
Au cœur d’un système de logement de classe mondiale
Nous sommes confrontés à des défis similaires en matière de logement, mais nos systèmes de financement de l’habitation sont très différents, et ce, depuis la fin des années 1970, alors que l’assurance prêt hypothécaire en Australie a été privatisée à la suite de la vente de la Housing Loans Insurance Corporation, organisation dont le modèle se fondait quelque peu sur celui de la SCHL6.
Cette différence importe-t-elle? Après tout, nos deux pays sont sortis de la crise financière mondiale avec des économies raisonnablement solides, bien que nos systèmes de financement de l’habitation soient très différents.
Je ne tenterai pas de démontrer lequel est le meilleur. Par contre, j’aimerais vous parler un peu du système canadien, dans lequel la SCHL accomplit une fonction de stabilisation clé.
La SCHL est une entité unique en son genre dans le monde de la politique sur le logement et le financement de l’habitation. Elle joue plusieurs rôles dans le système canadien du logement, notamment en réalisant des opérations commerciales, en fournissant les investissements fédéraux dans l’aide au logement, en menant des recherches et des analyses sur le marché de l’habitation et en agissant à titre de conseillère du gouvernement à l’égard des questions touchant les politiques de logement.
La SCHL est le résultat d’une réelle alchimie, et elle fonctionne bien. Notre mission est d’aider les Canadiens à répondre à leurs besoins en matière de logement et non de satisfaire leurs désirs, ce qui est le rôle du secteur privé. Notre vision est d’être au cœur d’un système de logement de classe mondiale. Cette vision ambitieuse ne semble pas très canadienne, n’est-ce pas?
Le mandat législatif de la SCHL comporte deux volets complémentaires : nous devons favoriser l’accès au logement tout en contribuant à la stabilité du système financier du Canada.
Nous y parvenons en grande partie grâce à nos activités de financement de l’habitation. Nos programmes d’assurance prêt hypothécaire et de titrisation sont des éléments clés de la stabilité et de l’efficacité du système de financement de l’habitation du pays. Ce rôle – et notre présence partout au Canada et dans tous les types de logements – fait de nous une institution financière d’importance systémique au Canada.
Soutien explicite ou implicite de l’État : « l’aléa moral »
Les cadres d’assurance prêt hypothécaire et de titrisation garanties par le gouvernement du Canada témoignent de la forte présence du gouvernement dans ce secteur. En revanche, la présence du gouvernement australien sur le marché hypothécaire se limite essentiellement à la surveillance réglementaire et à la protection des consommateurs.
L’exposition de notre gouvernement au risque du financement de l’habitation est explicite, tandis que celle de l’Australie est implicite. Par conséquent, alors que le cadre d’intervention de crise du Canada était déjà essentiellement en place, l’Australie a été contrainte de mettre sur pied, en pleine crise, des programmes temporaires et permanents additionnels de soutien financier. La même chose s’est produite au Royaume-Uni et aux États-Unis, dont les gouvernements avaient également adopté avant la crise un rôle plus implicite dans le financement de l’habitation. Je m’inquiète de l’aléa moral potentiel que cache le soutien implicite non déclaré de l’État qui, nul n’en doute, servira de filet de sécurité en cas de crise.
En cette période d’instabilité financière et de problèmes d’abordabilité, nous avons décidé, au Canada, de placer le logement plus au centre de notre politique budgétaire.
La Stratégie nationale sur le logement du Canada
Depuis la récession mondiale, la SCHL a connu une importante transformation afin de se préparer en vue de la prochaine crise économique et d’être en mesure d’honorer l’engagement du gouvernement à veiller à ce que les Canadiens aient accès à un logement abordable qui répond à leurs besoins. Voilà la vision pour la toute première Stratégie nationale sur le logement du Canada7, qui a été lancée par le premier ministre Trudeau le 22 novembre, Journée nationale de l’habitation au Canada.
Tout comme l’Australie, le Canada est un État fédéral dans lequel la responsabilité du logement relève principalement d’un autre ordre de gouvernement – les provinces et les territoires au Canada et les États en Australie. Vous imaginez donc les défis auxquels nous avons été confrontés dans l’élaboration d’une Stratégie qui vise à apporter un changement transformationnel à l’échelle nationale tout en respectant les champs de compétence prévus par notre Constitution.
Et c’est sans compter notre but que la Stratégie couvre la totalité du spectre du logement, de l’itinérance à la propriété. Il fallait aussi travailler avec des partenaires nouveaux et non traditionnels dans une approche pangouvernementale.
Mais, en fin de compte, nous avons réussi, grâce notamment à la conviction partagée qu’un logement abordable et stable est un tremplin pour réussir, peu importe où l’on habite au Canada. Et je suis fier du rôle que la SCHL a joué dans la conciliation des divers intérêts afin de concevoir un plan qui ciblera ceux dont les besoins sont les plus grands.
Le processus d’élaboration de la Stratégie nationale sur le logement a débuté en juin 2016, après une rencontre fructueuse des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables du logement – la première en dix ans, à laquelle la SCHL avait pour mandat de diriger une discussion nationale sur le logement.
Ce fut, en soi, une entreprise énorme. Sur une période de quatre mois, nous avons tenu des tables rondes avec des centaines d’experts et d’intervenants afin d’obtenir leurs opinions sur ce que devrait ou ne devrait pas couvrir la Stratégie. Nous avons également reçu près de 500 mémoires officiels de particuliers et d’organismes.
Des milliers de Canadiens ont communiqué avec nous par l’entremise d’un site Web spécialisé et dans le cadre d’une campagne primée sur les médias sociaux.
Nous avons aidé les groupes autochtones à mener leurs propres consultations, rencontré les maires des plus grandes villes du pays et animé des groupes de discussion avec des personnes qui ont été confrontées à des problèmes de logement – des sans-abri, des personnes handicapées, des nouveaux arrivants et des personnes à faible revenu.
En même temps, nous avons maintenu un dialogue avec nos homologues provinciaux et territoriaux, qui ont joué un rôle primordial dans la conception de la Stratégie, depuis l’élaboration d’un énoncé de vision et de résultats jusqu’à l’établissement des principes clés qui orienteront la façon dont nous travaillerons ensemble au cours des dix prochaines années.
Et nous avons regardé ce qui se passe dans d’autres pays, dont l’Australie. La SCHL a examiné les politiques et les initiatives internationales en matière de logement social et de logement locatif, d’aide à l’accession à la propriété et d’autonomie afin de relever les approches et les modèles de financement pouvant présenter un intérêt pour le Canada. En plus de l’Australie, nous nous sommes intéressés à des programmes récents en Allemagne, en Irlande, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Tout cela a culminé il y a un peu plus d’un an avec la diffusion par le ministre responsable du logement, l’honorable Jean-Yves Duclos, d’un rapport intitulé « Ce que nous avons entendu » lors de la Journée nationale de l’habitation de 2016.
Ensuite, notre équipe chargée des politiques a retenu les meilleures idées et les grands thèmes que nous avons entendus et a entrepris l’articulation des mesures diverses et novatrices qui ont été annoncées la semaine dernière.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, en accomplissant ce travail, il était important de respecter les champs de compétence – c’était pour nous une évidence. Toutefois, le gouvernement canadien a aussi clairement indiqué son intention de rétablir le rôle de chef de file du gouvernement fédéral en matière de logement et a affirmé que la SCHL jouerait un rôle de premier plan à cet égard.
Il faut comprendre que nous venions de traverser une longue période d’absence de leadership au niveau fédéral – période pendant laquelle le rôle de la SCHL dans l’application directe des programmes se limitait essentiellement à appuyer les coopératives d’habitation d’administration fédérale et les fournisseurs de logements des Premières Nations. Il s’agit d’un travail important, mais cela ne correspond pas à un rôle de leadership fédéral. En notre absence, la sphère du logement social – ce que vous appelez « state housing » en Australie – a été occupée principalement par les provinces et les territoires, qui sont responsables de l’administration d’environ 80 % du parc de logements sociaux au Canada.
Un investissement de 40 milliards de dollars sur 10 ans
Cela changera considérablement avec la Stratégie nationale sur le logement. Le budget fédéral de 2017 prévoit un engagement budgétaire historique à long terme de plus de 11 milliards de dollars sur 11 ans pour veiller à ce que les Canadiens aient accès à un logement abordable qui répond à leurs besoins.
Les répercussions économiques réelles seront beaucoup plus importantes. En combinant le financement de contrepartie des provinces et des territoires pour certains éléments de la Stratégie, la valeur des prêts à faible coût pour les promoteurs de logements, les municipalités et les organismes sans but lucratif et le financement prévu des initiatives conjointes par ces partenaires, nous estimons que les investissements totaux découlant de la Stratégie nationale sur le logement s’élèveront à près de 40 milliards de dollars.
La SNL est un élément clé du plan du gouvernement canadien visant à faire de nouveaux investissements dans l'infrastructure sociale – comme le logement abordable, l’éducation préscolaire et les services de garde – pour contribuer à renforcer la classe moyenne, promouvoir la croissance et donner à tous les Canadiens la chance de réussir.
D’un point de vue purement économique, les études démontrent que les investissements dans le logement ont un effet multiplicateur à court terme sur l’économie plus important que d’autres mesures, comme les réductions d’impôt des particuliers ou des sociétés8.
Selon une importante étude menée en 2012 par le Mowat Centre de l’Université de Toronto, chaque dollar supplémentaire investi dans la construction résidentielle génère une augmentation de plus de 1,50 $ du PIB, car cet investissement continue de se multiplier lorsqu’il est injecté dans l’économie. Il en coûtera également moins à la société en aval – pour financer, par exemple, les soins de santé, les services sociaux et le système judiciaire9.
Bien entendu, les répercussions vont bien au-delà de l’économie. L’étude du Mowat Centre a établi des liens clairs entre le logement abordable et les résultats socio-économiques positifs. Les gens qui ont de bonnes conditions de logement ont tendance à être en meilleure santé10. Les enfants et les adolescents en bonne santé qui ont un milieu de vie stable obtiennent de meilleurs résultats scolaires11.
Résultats et exécution
Je vous parlerai maintenant de la Stratégie elle-même, qui vise à changer la donne en termes de portée et d’impact.
Selon les données du recensement récemment publiées, environ 1,7 million de ménages canadiens sont dans le besoin en matière de logement et consacrent plus de 30 % de leur revenu avant impôts pour accéder à un logement local acceptable.
Bien que la proportion des ménages qui éprouvent des besoins impérieux en matière de logement soit demeurée stable au cours des dix dernières années, à environ 12 %, les conditions se sont détériorées dans certaines régions du pays, notamment dans les Prairies et en Ontario. Il importe également de souligner que les deux plus grandes régions métropolitaines du Canada – dont les marchés immobiliers sont les plus chers – comptaient les plus grands nombres de ménages éprouvant des besoins impérieux en matière de logement en 2016, soit 19,1 % à Toronto et 17,6 % à Vancouver.
Comme je l’ai mentionné, nous visons à réduire de 530 000 le nombre de ménages dans le besoin en matière de logement. Durant cette période, la Stratégie permettra aussi de réduire de moitié le nombre de personnes en situation d’itinérance chronique. Nous visons également à réparer 300 000 logements abordables et à construire 100 000 logements abordables dans l’ensemble du pays.
Ces cibles sont ambitieuses et nous avons l’intention de les atteindre. La réussite sera encouragée et nos progrès seront mesurés et rapportés publiquement sur le site results.ca. En adoptant les enseignements de Sir Michael Barber, l’architecte britannique de la « deliverology »12, le premier ministre Trudeau a mis sur pied une nouvelle « unité des résultats et de l’exécution » au sein du Bureau du Conseil privé. Sous la direction de mon collègue, Matthew Mendelsohn, l’unité recueille des données et rend compte directement au premier ministre et aux Canadiens des progrès dans l’atteinte des objectifs et du respect des promesses du gouvernement – y compris, en ce qui nous concerne, les données sur les besoins en matière de logement, l’itinérance et d’autres indicateurs.
Je n’aborderai pas chacun des éléments de la Stratégie en détails – le document de politique complet est disponible au www.chezsoidabord.ca pour ceux qui souhaiteraient l’obtenir. Je vous parlerai néanmoins de certains piliers et innovations clés de la Stratégie. Comme je l’ai indiqué, l’inclusion sociale est au cœur de la Stratégie, une vision qui, selon moi, est profondément canadienne13.
Droit au logement
Avant tout, la Stratégie est fondée sur la prémisse que tous les Canadiens ont droit à un logement sûr, adéquat et abordable. Elle établit la vision suivante pour le logement au Canada :
« Les Canadiens disposent d’un logement répondant à leurs besoins et qui est abordable. Le logement abordable est une pierre angulaire de communautés durables et inclusives et d’une économie canadienne dans laquelle nous pouvons prospérer et nous développer. »
Dans le cadre de la SNL et conformément aux engagements du Canada en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le gouvernement fédéral reconnaîtra et mettra progressivement en œuvre le droit de chaque Canadien d'accéder à un logement qui répond à ses besoins et qui est abordable.
L’adoption d’une approche du logement axée sur les droits de la personne constitue une étape importante dans la réalisation de la vision de la SNL. Au cours de la prochaine année, le gouvernement fédéral va déposer un projet de loi pour promouvoir une approche du logement axée sur les droits de la personne. Les gouvernements futurs auront l’obligation de maintenir une Stratégie nationale sur le logement qui accorde la priorité aux besoins en matière de logement des groupes les plus vulnérables. En plus des mesures de reddition de compte mentionnées un peu plus tôt, la loi exigera le dépôt, tous les trois ans, d’un rapport au Parlement sur les progrès réalisés dans l’atteinte des cibles et des résultats de la Stratégie.
La SNL vise à répondre aux besoins en matière de logement des Canadiens les plus vulnérables, y compris les aînés, les peuples autochtones, les survivants de situations de violence familiale, les personnes handicapées, les réfugiés, les anciens combattants, les personnes aux prises avec un problème de santé mentale et les sans-abri. Elle prévoit des mesures qui contribueront à éliminer les obstacles systémiques, à réduire les inégalités et à promouvoir l’inclusion sociale.
Renouvellement des logements sociaux
Depuis 60 ans, les logements sociaux sont la principale solution du Canada aux problèmes de logement. Cet actif précieux mais vieillissant doit être préservé pour les générations futures.
Au cours de la prochaine décennie, le gouvernement du Canada réinvestira 4,8 milliards de dollars dans les logements sociaux et publics. Ce financement est suffisant pour protéger et renouveler l’offre existante de logements communautaires dans l’ensemble du Canada et pour augmenter l’offre.
Fonds de co-investissement
La SNL favorisera également la croissance de collectivités inclusives et diverses qui sont accueillantes, qui attirent des entreprises et des investissements et où les gens souhaitent vivre et travailler. Dans ces collectivités, les logements abordables seront situés près des services de soutien et des commodités nécessaires, du transport en commun, des lieux de travail, des garderies, des écoles et des établissements de santé. De plus, les logements prendront la forme d’ensembles à usage mixte et à revenus mixtes, qui sera le chez-soi de gens de tous les milieux.
Nous pourrons atteindre ces buts grâce au nouveau Fonds national de co-investissement pour le logement, qui accordera jusqu’à 16 milliards de dollars en prêts et en contributions afin de permettre à d’autres ordres de gouvernement et aux secteurs privé et sans but lucratif de construire des logements abordables, de préserver l’offre existante de logements abordables et d’élaborer des solutions aux problèmes persistants dans l’ensemble du continuum de logement.
Il s’agit également de notre principale contribution à l’offre de nouveaux logements, le meilleur antidote contre les pressions persistantes de la demande qui font augmenter les prix et empêchent les Canadiens d’acheter ou de louer un logement abordable.
Le Fonds de co-investissement représente la prochaine génération du logement et vise à rendre les collectivités plus accessibles et inclusives et à améliorer la qualité de vie des personnes vulnérables et à faible revenu. Les ensembles de logements devront satisfaire à des critères de base pour être admissibles à un financement. Par exemple, au moins 20 % des logements devront être accessibles ou comporter des éléments de conception universelle, ils devront avoir un rendement énergétique de 25 % supérieur aux codes de l’énergie ou au rendement antérieur et ils devront satisfaire à des exigences minimales d’abordabilité. Des incitatifs financiers seront offerts pour les ensembles qui surpassent ces exigences minimales.
L’allocation canadienne pour le logement
Une autre innovation importante de la Stratégie nationale sur le logement est l’Allocation canadienne pour le logement, une initiative de quatre milliards de dollars qui sera lancée en 2020. Nous demanderons aux provinces et aux territoires de collaborer à la conception et au financement de l’initiative, qui prévoira un soutien à l’abordabilité ciblant directement les familles et les personnes qui éprouvent des besoins en matière de logement.
Chaque bénéficiaire de l’Allocation canadienne pour le logement devrait recevoir en moyenne 2 500 $ par année. L’allocation sera versée par les provinces et les territoires, avec l’appui des municipalités et d’autres partenaires, afin d’alléger rapidement les coûts élevés du logement et de répondre aux priorités et aux besoins locaux en matière de logement. Il importe que le programme soit conçu de manière à atténuer le risque d’effets inflationnistes, notamment en priorisant le secteur du logement communautaire et en effectuant un ciblage prudent.
Données et recherches : des faits pour l’avenir
La SNL mise également sur la recherche et la collecte de données améliorées, qui nous aideront à mieux comprendre les marchés de l'habitation du Canada, combleront les lacunes dans les données et favoriseront la stabilité économique. Au cours des 10 prochaines années, 241 millions de dollars seront investis pour combler les lacunes dans les données et la recherche. Nous mettrons sur pied de nouveaux outils de collecte de données, nous lancerons des projets de démonstration et créerons des laboratoires de solutions pour le logement afin de dégager d’autres possibilités de recherche, et nous encouragerons le développement des recherches sur le logement à l’extérieur du gouvernement afin de diversifier les sources d’informations et les perspectives.
Ce travail sera appuyé par un protocole d’entente conclu récemment par la SCHL et Statistique Canada afin de réunir nos expertises et de collaborer dans le but de combler les lacunes dans les données. Cela comprend l’élaboration du nouveau programme Statistiques du logement au Canada, qui diffusera sa première publication – sur la propriété étrangère à Toronto et à Vancouver – le mois prochain.
La pauvreté et les collectivités vulnérables
L’itinérance constitue un problème grave dans de nombreuses collectivités au Canada. En avril prochain, un nouveau programme sera lancé dans le cadre de la SNL. Le programme restructuré conservera l’approche Logement d’abord et répondra aux problèmes locaux auxquels sont confrontés les groupes vulnérables, comme les anciens combattants, les jeunes, les femmes et leurs enfants qui fuient la violence, les communautés LGBTQ2 et les peuples autochtones.
En ce qui concerne les peuples autochtones, il est clair que le statu quo est inacceptable. Une attention particulière et des approches uniques sont nécessaires pour améliorer les conditions de logement des Premières Nations, des Inuits et des Métis qui vivent dans les pires conditions de logement au Canada.
Il s’agit d’une priorité pour le gouvernement, qui travaille avec les organisations et les dirigeants autochtones pour élaborer conjointement des stratégies distinctes pour chacun des trois groupes. Ces plans devraient être mis au point avec les partenaires autochtones au début de l’an prochain et ils appuieront leur vision d’autodétermination tout en favorisant de meilleurs résultats sociaux et économiques pour leurs communautés.
Le rôle du logement comme outil d’intervention
Au Canada, les politiques de logement sont dorénavant perçues comme un mécanisme d’inclusion sociale. Voilà un autre trait – l’inclusion – qu’ont en commun le Canada et l’Australie, deux pays qui ont été fondés par des immigrants. Sans faire fi de la discrimination et de la marginalisation qui existent dans toute société, l’immigration présente néanmoins une occasion de faire preuve de tolérance.
Ce thème nouveau est ressorti de la conférence Habitat III à Quito, l’an dernier14. Si nous pensons au logement davantage comme une fonction – un abri – et moins comme une forme, nous pensons alors en termes de gens plutôt qu’en termes de briques et de mortier.
Je suis d’avis que le Canada peut et doit être un modèle à suivre pour le monde en matière d’inclusivité sociale. Comme l’a déclaré notre ministre des Affaires étrangères, l’honorable Chrystia Freeland, le Canada possède « le meilleur des mauvais bilans du monde à l’heure actuelle »15. Le logement est un moyen de bâtir des villes plus fortes, plus résilientes. Cette vision est au cœur de notre travail sur la Stratégie nationale sur le logement.
Il est crucial que le logement soit une source de vitalité pour nos collectivités et pour notre économie. La Stratégie nationale sur le logement présente une vision du Canada de demain, un endroit où les familles prospèrent, où les enfants apprennent et grandissent, où les parents trouvent la stabilité dont ils ont besoin pour réussir sur le marché du travail et où les aînés vivent dans la dignité. Bref, cette stratégie vise à faire évoluer les collectivités à l’échelle nationale.
Pour revenir à mon image des grands espaces, et aux deux polarités que sont la sécurité et l’isolement, nous espérons que le logement puisse contribuer à offrir sécurité et dignité à l’ensemble des Canadiens. Le but ultime est de nous aider tous à être libres de réaliser nos rêves. Et le logement est au cœur de cela.
Comme Matthew Desmond l’a écrit dans son magnifique livre, Evicted16:
« Le chez-soi est au centre de la vie. C'est un refuge contre le stress du travail, la pression à l’école et les menaces du monde extérieur. On dit que, chez soi, on peut “être soi-même”. Partout ailleurs, on est quelqu’un d’autre. À la maison, on retire son masque.
Le chez-soi est à la source de l’identité individuelle : c’est là où l’identité se forge et s’épanouit, où, enfant, on imagine, on joue et on questionne, et où, adolescents, on se retire et on expérimente. En vieillissant, on espère s’installer dans un endroit où on élèvera une famille ou on poursuivra une carrière. Lorsqu’on tente de se comprendre soi-même, on commence souvent par considérer le type de chez-soi dans lequel on a grandi. »
Voilà pourquoi, chers amis, le logement est si important.
Merci.
Je dois beaucoup à de nombreux collègues de la SCHL – trop nombreux pour les nommer ici – pour le travail qu’ils ont accompli sur notre Stratégie nationale sur le logement. Je suis particulièrement reconnaissant de l’excellent travail accompli par la division des Besoins en matière de logement au cours de la dernière année, avec l’aide des équipes de l’Aide au logement, des Services juridiques, des Finances, de l’Assurance, de la Titrisation, de la Gestion des risques et des Relations publiques.
1 Bill Bryson, 2000. In A Sunburned Country, Crown/Archetype, 2000.
2 Evan Siddall, 2015.Le logement, ça compte, (discours prononcé devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain), 3 décembre 2015.
3 Wendell Cox et Hugh Pavletich, Rating Middle-Income Housing Affordability, 13e enquête annuelle de Demographia International sur l’abordabilité du logement, 2017, Performance Urban Planning, 2017.
4 Madeleine Op’t Hof et Robert Szemere, Global developments in residential property prices – first quarter of 2017, Département monétaire et économique, Banque des règlements internationaux, août 2017.
5 Financial Stability Review, octobre 2017. Reserve Bank of Australia, 12 octobre 2017.
6 Neil Mohindra, 2010. Mortgage Finance Reform: Protecting Taxpayers from Liability, Studies in Insurance Policy, Institut Fraser, février 2010.
7 Stratégie nationale sur le logement du Canada, 22 novembre 2016.
8 Ministère des Finances Canada, 2016. Assurer la croissance de la classe moyenne, annexe 2, pp. 254-256, 22 mars 2016.
9 Noah Zon, Melissa Molson et Matthias Oschinski, 2014. Building Blocks: The Case for Federal Investment in Social and Affordable Housing in Ontario, Mowat Research #98, School of Public Policy and Governance, University of Toronto, septembre 2014.
10 David Hay, 2005. Housing, Horizontality and Social Policy. Réseau canadien de recherche sur le logement, Family Network, 2005.
11 Les références choisies comprennent :
Evan Siddall, 2015. Le logement, ça compte (discours prononcé devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain), 3 décembre 2015.
Société canadienne d’hypothèques et de logement, 2013. Offrir aux familles un avenir et des occasions grâce au modèle d’accession à la propriété d’Habitat pour l’humanité, « Le Point en recherche, Série socio-économique », no 13-004, avril 2013.
Charles Waldegrave et Michaela Urbanová, 2016. Social and Economic Impacts of Housing Tenure, Rapport pour la New Zealand Housing Foundation, Family Centre Social Policy Research Unit, novembre 2016.
12 Michael Barber, Paul Kihn et Andy Moffit, 2011. Deliverology 101: A Field Guide for Educational Leaders, Corwin Press, 2011.
13 Evan Siddall, 2017. Aucune solitude : une Stratégie nationale sur le logement (discours prononcé devant le Canadian Club of Toronto), 1er juin 2017.
14 Le Nouveau Programme pour les villes a été adopté lors de la Conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III) à Quito (Équateur), en octobre 2016. Il a été avalisé lors de la 68e séance plénière de la 71e session de l’Assemblée générale tenue en décembre 2016.
15 Adam Radwanski, 2017. Meet Chrystia Freeland, the woman defining Canada’s foreign role, « The Globe and Mail », 12 août 2017.
16 Matthew Desmond, 2016. Evicted: Poverty and Profit in The American City, Crown, 2016.