Notes d’allocution de Evan Siddall, Président et premier dirigeant, Société canadienne d’hypothèques et de logement
Chambre de commerce du Grand Vancouver
Westin Bayshore
Vancouver (Colombie-Britannique)
Seul le texte prononcé fait foi
Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour vous offrir notre point de vue sur les prix élevés des logements, sur leurs répercussions et sur ce que nous faisons à ce sujet. Je tiens à souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé des peuples salish du littoral et en particulier des Premières Nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
Vancouver : la ville imaginaire
Vancouver se distingue des autres villes canadiennes. L’artiste et auteur Douglas Coupland a fait une observation intéressante au sujet de cette ville. Il a dit : « Vancouver est la racine carrée de moins un. Techniquement, elle ne devrait pas exister, mais elle est là. » Et merveilleusement, il ajoute : « Je ne peux m’imaginer vivre ailleurs. »
Les mathématiciens disent que la racine carrée de moins un est un « nombre imaginaire ». Vancouver est un lieu spécial, magnifique. C’est notre pays de rêves, dans lequel nous avons investi une existence quelque peu utopique. Coupland affirme, à juste titre, que les villes sont tout autant des entités sociales et culturelles que des entités économiques.
Ces facteurs sociaux et culturels importants ont rendu votre ville célèbre pour son approche éclairée à l’égard du développement urbain — le « vancouvérisme » —, de par son accent sur la qualité de vie, sur la vie résidentielle au centre-ville, sur une densification réussie et sur la protection des espaces publics et des vues. Vancouver se classe souvent dans les premiers rangs de la liste des villes offrant la meilleure qualité de vie dans le monde.
La qualité de vie attire les gens : au cours de la dernière décennie, plus de 30 000 personnes par année ont migré vers la grande région de Vancouver 1. Cette croissance démographique fait accroître la demande et entraîne une hausse des prix. Par conséquent, Vancouver s’approche aussi maintenant du sommet de la liste des villes les plus inabordables du monde 2.
Il peut donc y avoir deux côtés à l’« imaginaire » : il peut être utopique ou dystopique. Ce lieu quelque peu imaginaire peut être les deux.
Trouver quelqu’un à blâmer
La montée des prix des logements a commencé à créer des tensions malsaines qui semblent dresser les Vancouvérois les uns contre les autres : les propriétaires établis contre les jeunes familles qui tentent d’accéder au marché et les résidents actuels contre les nouveaux arrivants.
Qui doit donc être blâmé pour les problèmes d’abordabilité de Vancouver? Pour certains, le bouc émissaire est évident : ce sont les étrangers. C’est le thème récurrent, la cause manifeste, selon la twittosphère et de nombreux commentateurs. En fait, selon un sondage réalisé en 2015 par Angus Reid, près des deux tiers des Vancouvérois estiment que les investissements étrangers sont la « première cause des prix élevés des logements » ici 3. Et, bien sûr, chacun de nous à la SCHL ignore le véritable problème – l’éléphant dans la pièce, comme on le dit en anglais.
En fait, nous ne l’ignorons pas. Même s’il était pratique de rejeter toute la responsabilité des prix élevés sur les autres — les acheteurs étrangers —, ce n’est pas si simple. Certes, il s’agit d’une explication tentante : c’est leur faute, pas la nôtre. Et bien que l’investissement étranger soit nettement un facteur, ce n’est pas le seul.
Aujourd’hui, j’aimerais essayer d’évaluer ce problème d’après les données dont nous disposons. Ce faisant, je vais m’appuyer sur l’enquête intitulée « Le secteur canadien du logement » que mon ancien collègue et à l’époque gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, vous a présentée il y a un peu plus de cinq ans 4. Je vais également reprendre certaines des observations faites par le Ministre Jean-Yves Duclos lorsqu’il a parlé ici en septembre. 5
Il y a cinq ans, la Banque s’intéressait alors de très près à la croissance de l’endettement des consommateurs en tant que vulnérabilité potentielle. Il en était de même de la montée des prix des logements, qui représentaient, à l’échelle nationale, trois fois et demi le revenu disponible moyen des ménages.
Comme nous le savons, la situation ne s’est pas améliorée : en fait, elle s’est grandement détériorée. L’endettement des ménages et les déséquilibres du marché de l’habitation viennent donc s’ajouter aux vulnérabilités du système financier canadien 6.
Comme nous le savons, la situation ne s’est pas améliorée : en fait, elle s’est grandement détériorée.
Le prix élevé des logements, surtout ici, à Vancouver, s’explique par plusieurs facteurs, dont l’investissement étranger, mais également l’investissement intérieur dans le secteur résidentiel, la croissance démographique et économique, la politique monétaire accommodante, le régime d’imposition canadien, les contraintes du côté de l’offre et d’autres phénomènes.
Quel est l’enjeu?
Récemment, l’endettement des ménages à l’échelle nationale a atteint un sommet de 168 % du revenu disponible. La Banque du Canada continue d’affirmer que l’endettement élevé des ménages est la principale vulnérabilité de la stabilité financière au Canada.
Nous devons nous soucier des répercussions sur la santé de notre économie. Comme l’observent Mian et Sufi dans leur livre House of Debt, « les catastrophes économiques sont presque toujours précédées d’une forte augmentation de l’endettement des ménages ». Ils poursuivent en disant que la relation entre ces deux facteurs est « ce qui se rapproche le plus d’une loi empirique en macroéconomique, pour peu que cela existe » 7. Plus des deux tiers des 46 crises bancaires systémiques pour lesquelles des données sur les prix des habitations sont disponibles ont été précédées d’un cycle d’emballement et d’effondrement des prix des habitations 8.
Endettement des ménages
Non seulement l’ampleur générale de la dette des ménages est préoccupante, mais sa répartition est encore plus troublante 9. Mon ancien collègue Larry Schembri nous a rappelé récemment qu’il importe de savoir qui sont les détenteurs de la dette, dans quelle mesure ils peuvent l’amortir, les probabilités qu’ils perdent leur emploi et s’ils ont un coussin financier adéquat pour faire face à une conjoncture économique défavorable, le cas échéant 10.
En outre, lorsque les chercheurs de la Banque du Canada ont étudié plus attentivement ces questions, ils ont constaté que la dette des ménages les plus endettés était celle qui avait connu la plus forte croissance 11. La proportion des ménages les plus fortement endettés, c’est-à-dire ceux dont le ratio de la dette au revenu brut est supérieur à 350 %, avait doublé, passant d’environ 4 % des ménages endettés immédiatement avant la crise financière à quelque 8 % en 2012-2014. Ce groupe d’approximativement 720 000 ménages était endetté de près de 400 milliards de dollars – environ un cinquième de la dette globale des ménages canadiens. De plus, les prêts hypothécaires constituaient presque 90 % de cette dette.
Les emprunteurs fortement endettés sont plus susceptibles d’être de jeunes nouveaux propriétaires. Compte tenu de la possibilité qu’ils aient peu d’expérience de travail en raison de leur âge, ils seraient aussi plus susceptibles de perdre leur emploi en cas de ralentissement économique.
Bref, il s’agit d’un groupe de Canadiens vulnérables qui connaîtraient des difficultés financières si l’économie se dégradait ou si les taux d’intérêt montaient considérablement. Et à la lumière de ce que nous savons sur l’effet de richesse et l’accélération financière 12, leurs difficultés financières pourraient, en cas d’un ralentissement économique, avoir des retombées sur l’économie en général.
Déséquilibres du marché de l’habitation
Les déséquilibres du marché de l’habitation sont également une source de vulnérabilité économique. Le cadre de l’Évaluation du marché de l’habitation (EMH) de la SCHL vise à offrir une vision globale de l’évolution de la conjoncture du marché de l’habitation et des vulnérabilités connexes. Il tient compte de quatre facteurs pour évaluer les signes de conditions problématiques sur le marché de l’habitation : la surchauffe, l’accélération de la hausse des prix des logements, la surévaluation et la construction excessive. Plus particulièrement, il cherche des signes de déséquilibre du marché. Par exemple, l’augmentation des stocks de logements neufs invendus indiquerait que l’offre dépasse la demande – un signe de construction excessive potentielle.
Les résultats de notre plus récente EMH montrent pour la première fois des signes élevés de conditions problématiques au pays. Nous avons fait passer de modérés à élevés les signes de conditions problématiques à Metro Vancouver. La croissance soutenue des prix à Metro Vancouver et à Toronto est particulièrement inquiétante.